La proposition politique des Lieux de Lien


1. Les lieux de lien, d’une mouvance à un réseau

Le monde associatif bruxellois propose depuis des décennies des lieux d’accueil et d’initiative citoyenne dits actuellement communément « à bas seuil » dans le secteur de la santé mentale. Ces lieux sont notamment héritiers de la grande mouvance de l’antipsychiatrie, de la thérapie institutionnelle comme de l’éducation populaire, de la cohésion sociale, de l’éducation permanente et ses interfaces avec la culture au sens large, de divers maillages social-santé, etc.

Dans cette généalogie ont émergé notamment dans le passé :

  • les clubs thérapeutiques,
  • les multiples projets communautaires d’initiatives en santé mentale,
  • des communautés thérapeutiques, foyers divers et maisons de quartier,
  • AMO, maisons de cohésion sociale, etc.

Leur ouverture à ces multiples facettes de la vie citoyenne en fait des acteurs précieux dans le tissage et retissage des citoyens en souffrance mentale avec la vie courante de chacun d’entre nous, œuvrant à la déstigmatisation de la notion de santé mentale et à la remobilisation des forces vives de chaque citoyen.

Ce champ d’action multilatéral n’en facilite pas toujours la définition et donc le soutien par les pouvoirs subsidiants, qui fonctionnent par Ministères, publics cibles et missions spécifiques.

Dans la suite de la crise sanitaire, certains lieux dits « de lien » ont émergé d’initiatives interinstitutionnelles et citoyennes, en réponse aussi à l’appel à projet du Plan de Relance et de Redéploiement post-covid (PRR). Cet appel a cristallisé l’appellation « Lieux de lien » proposée dans l’étude Parcours.Bruxelles (Walker, Nicaise, Thunus – février 2019).

C’est donc sous cette appellation que le travail interconnecté de ces associations a cherché à s’officialiser en réseau des Lieux de lien, répertorié pour plus de visibilité et comme outil pour l’ensemble des citoyens (guide des Lieux de lien).

Durant la période de la législature qui se termine, ces lieux ont fait leurs preuves :

  • le public s’accroît de façon continue,
  • la richesse des initiatives se développe,
  • le modèle a contribué à une nouvelle recherche européenne sur la désinstitutionnalisation (2024), où les Lieux de lien apparaissent comme modèles.

Ce réseau montre combien l’association des forces vives du secteur santé mentale, des acteurs culturels, sociaux, communaux et des citoyens eux-mêmes est cruciale.

Le temps est maintenant au bilan et au regard vers l’avenir.


2. Lieux de lien : focus non limitatif sur ses multiples enjeux et résultats

Les lieux de lien proposent une action citoyenne inclusive de personnes en souffrance mentale, menée dans un champ social ouvert.

L’esprit général des lieux de lien

  • Santé

    • accueil à bas seuil de personnes en souffrance mentale et de citoyens du tout-venant
    • développer une souplesse d’action face à ce qui déborde des normes sociales (consommations, crises, …)
    • soutenir la diversité des pratiques et des comportements
    • favoriser l’accès au soin pour les personnes en grande souffrance psychique
    • offrir des lieux charnières où se poser
    • accueillir un public en errance dans le contexte social-santé actuel
    • servir de SAS d’attente pour des hôpitaux de jour saturés
    • accueillir le public en post-hospitalisation
    • offrir des lieux alternatifs aux gestions sécuritaires strictes
    • travailler au tissage de la confiance entre acteurs sociaux et lieux d’accueil
  • Citoyenneté

    • s’adresser au citoyen et non au malade
    • permettre de se déposer au sein d’un groupe qui s’organise en communauté ouverte
    • favoriser le maillage citoyen global
    • lutter contre l’anonymisation
  • Culture, éducation permanente, cohésion sociale

    • tendre la main à la créativité de chacun
    • valoriser l’expertise d’expérience de chacun
    • encourager le partage et l’acquisition de savoirs
    • lutter contre la massification de l’humain et les effets hiérarchiques
    • articuler enjeux sociaux, subjectifs et environnementaux
    • soutenir une économie sociale par des partenariats dans le non-marchand

Un abécédaire des Lieux de lien complète ce descriptif.

De multiples incidences

  • échapper aux aliénations institutionnelles
  • raccorder les personnes en souffrance dans un réseau diversifié
  • développer des interactions spontanées entre citoyens
  • ouvrir un espace de parole singulière
  • retisser un réseau social multiple, métissé
  • favoriser l’intégration sociale et réduire les effets ghetto
  • soutenir la dimension politique de l’engagement
  • intégrer tout citoyen dans un projet collectif

Différents modes d’action

  • soutenir la gratuité d’accès et la circulation spontanée
  • aucune condition d’accès administrative ou médicale
  • enrichir l’expérience par des interactions multiples
  • laisser des espaces de vide, d’ennui, de relâchement
  • laisser place à l’imprévu et à l’indécidable
  • soutenir la cogestion et la prise de parole publique
  • relancer en continu des initiatives micropolitiques

De multiples résultats

  • réduction de l’isolement des personnes
  • remise au travail de certains jeunes
  • déstigmatisation de la santé mentale
  • implication de certaines familles
  • réduction des hospitalisations
  • nouvelles perspectives post-hospitalisation
  • découverte et partage de savoirs
  • augmentation de la capacité d’agir et d’entreprendre
  • meilleur accès à la culture et au soin

3. Problématique des Lieux de lien

Le réseau est constitué d’associations aux historiques et modes de subsidiations très divers (COCOF, COCOM, IRISCARE, FWB, aides communales, etc.).

Cette diversité reflète :

  • la cohésion sociale,
  • l’éducation permanente,
  • la santé communautaire,
  • la culture comme mode de vie,
  • la citoyenneté participative.

La reconnaissance de ce réseau varie selon l’historique, la localisation, le public et les besoins.

Travaillant à un modèle collectif désinstitutionnalisant, la définition des Lieux de lien doit rester ouverte et ses modes de subsidiation non exclusifs.


4. Propositions politiques

1. Pérennisation par décret ordonnance santé mentale communautaire en Cocom

  • Le décret ambulatoire voté en 2024 (Cocof) a permis à certains Lieux de lien une pérennisation.
  • D’autres ont souhaité maintenir leur structure interinstitutionnelle.
  • Les subsidiations annuelles entraînent précarisation et empêchement de projets à long terme.
  • Nous demandons la poursuite de la réflexion et l’aboutissement d’un décret en Cocom.

2. Diversité d’initiatives soutenue par conférences interministérielles

  • La santé mentale doit être déstigmatisée, décloisonnée, désenclavée.
  • La diversité des modes d’action ne doit pas être uniformisée.
  • Le soutien devrait venir de différents accords interministériels bilatéraux (santé-culture, santé-cohésion sociale, santé-sport, santé-éducation permanente, …).

Actuellement :

  • certains lieux ont perdu leur reconnaissance annuelle depuis le PRR,
  • d’autres souhaitent l’obtenir,
  • certains ont une enveloppe budgétaire insuffisante.

NOUS DEMANDONS DONC :

  • Un renforcement du soutien aux Lieux de lien et leur pérennisation.
  • Agrandir les équipes de travailleurs (y compris postes administratifs).
  • Favoriser une dimension cogérée entre associations (budgets globaux partagés, séjours, sorties collectives, …).
  • Inscrire une mention des Lieux de lien dans la déclaration de politique générale de la prochaine législature.
  • Prévoir des accords interministériels pour garantir la diversité et la richesse des Lieux de lien.

Une coconstruction entre terrain et politique

Nous demandons :

  • une réflexion commune acteurs de terrain / politique,
  • une audience auprès des formateurs du futur gouvernement.

Proposition rédigée au nom des Lieux du lien, soutenus par La Ligue de santé mentale bruxelloise et La Plateforme bruxelloise pour la santé mentale.

Texte intégral en version PDF:

LIEUX DE LIEN - Proposition Politique - Nov 2024_0.pdf